5 avril 2013

feel-good movies : des films optimistes fabriqués comme des pubs

Starbuck, Radiostars, La guerre est déclarée, Little Miss SunshineSlumdog millionaire.
Et aussi Les petits mouchoirs, Good morning England, C.R.A.Z.Y., ou Du vent dans mes mollets, Juno, Intouchables, etc.
C'est quoi le rapport ?
On les appelle des feel-good movies, qu'on peut traduire par "films optimistes". Ils ont pour fonction de raconter des histoires rassurantes, confortables. En période de crise sociale, ils donnent envie d'y croire et de consommer, regarde, il suffit de sourire à ses voisins, de compter sur ses amis, tu sais, crois en toi ! deviens qui tu es !

"Dans un monde où les certitudes sont bousculées", comme dirait un édito du Nouvel Obs, les feel-good movies nous disent "garde confiance en toi et tu seras sauvé" (en général ça sauve surtout le box-office). Les personnages sont des héros-qui-nous-ressemblent, des "héros-du-quotidien" : ils ne finissent pas stars ou milliardaires, ce sont des heroes just for one day, tu sais, comme les petits candidats de la Nouvelle Star.

C'est souvent la même recette que pour réaliser une pub. Voici quelques ingrédients :

- la succession de sales moments bonnes surprises — douche chaude, douche froide, douche chaude, à la pluie succède le beau temps, aux petites peines succèdent les grandes joies, les grands succès, les grands triomphes, les grandes émotions. Les derniers sont les premiers. Les épreuves sont toujours récompensées. C'est la petite chanson catholique.

- la présence de foules. Elles acclament, elles applaudissent les héros enfin révélés qui surfent sur des ovations. C'est pas pour rien que Starbuck, Little Miss Sunshine ou Radiostars sont des histoires de succès avec des foules applaudissantes. Dans Slumdog millionaire le jeune mec misérable se révèle héroïque ET gagne l'amour de sa belle ET devient super riche, le tout sous les applaudissements de millions de spectateurs.

les enfants de Starbuck











Alors oui, ces scènes ressemblent à des pubs pour Bouygues, avec des foules béates qui communient dans un Grand Tout. Mais ça marche ! Dans Starbuck, des centaines de jeunes gens, tous souriants et cool, à la motivation unanime, entourent leur unique géniteur d'un même mouvement, pour lui faire un câlin, et soudain, joie, ils se font des câlins les uns les autres.
Un post du groupe Publicis avoue cette tendance à la "foule sentimentale".

- les petites disputent où la mauvaise foi est tolérable et où l'égoïsme est attendrissant. La petite dispute un peu théâtrale est garante de vérité, elle rend le personnage accessible. Ah, ce que Starbuck est rustre avec sa meuf ! ah comme les couples se chamaillent dans Les petits mouchoirs ! ah, le nombre de fois où le couple de la Guerre est déclarée s'engueulent et se rabibochent, se reprochent des bêtises pour mieux dire Je t'aime ensuite. Attention, La Guerre est déclarée a un enjeu énorme : la réalisatrice met en scène la véritable histoire, le combat courageux de sa propre famille. Il s'agit de se rendre accessible, en se présentant comme faillible.
1 gars 1 fille
(Critique : Dans La Guerre est déclarée, on s'engueule et on boude comme dans "un gars une fille". Mais derrière le discours "on est juste comme tout le monde", il y en a un autre, moins avoué : "Aimez-nous, admirez-nous pour notre courage, tout le monde devrait agir comme nous l'avons fait". L'intention moralisatrice est planquée juste derrière le divertissement.) 
 


- évidemment, il vaut mieux avoir des personnages simples. Parce que des personnages trop réalistes, nuancés, avec des fêlures et des personnalités complexes seraient trop difficiles à juger. Un personnage principal, on doit pouvoir s'y attacher dès le début. Ses défauts doivent être assez rigolos pour qu'il puisse être aimé et pardonné de tout. Donc attention, pas de caractère violent ou sombre. De l'évidence ! du facile !

Radiostars
- la diversité qui s'affiche. Il faut se montrer ouvert, donner de la place à la diversité. Vaut mieux mettre un homo, un vieux, un gros, un pauvre, quelques filles et un ou deux pas trop blancs. Des caractères aussi complexes que ceux des 7 nains ou de la bande de Scoubidou.


- l'unanimité. L'enthousiasme doit être unanime.
Starbuck entouré par ses enfants
Quand la foule acclame, c'est beau, la ferveur est complète. Il y a un truc religieux là-dedans. Les centaines d'enfants de Starbuck ont beau être différents les uns des autres, ils agissent pareil, tous avec les mêmes émotions aux mêmes moments et aucun d'eux ne manque de sourire sur la photo ni de plonger dans la mêlée des câlins.
C'est ça qui est beau : on est tous pareils.

- des artifices visuels : les couleurs. De l'affiche aux décors en passant par les costumes et la couleur de peau des personnages, l'image est pleine de jolies lumières, des couleurs chaudes et pétantes. Faut donner dans l'arc-en-ciel, on est pas dans un film de Haneke. La guerre est déclarée est sous le signe des fêtes foraines, des jeux d'enfants et des décors acidulés. Little Miss Sunshine est tout flashy.














- des artifices sonores : beat / coupure / beat : ça vient de la musique techno. Ca consiste à couper le beat brutalement en pleine transe, puis à réouvrir le robinet pour faire repartir la machine de plus belle. "... et je coupe le son... et je remets le son" comme dans le tube de Katerine J'adore. Couper le son, ça te donne une bonne décharge d'adrénaline, ça te met en situation de demande, t'es en manque, t'as besoin de têter à nouveau, comme dans les pubs pour Fanta.
Au cinéma, couper le son pour mieux le remettre à fond juste après, c'est censé remettre de la pêche à une action qui aurait pu s'essouffler faute de profondeur.

- il y a un autre dispositif sonore pour les séquences de révélation, très fréquent dans la pub, et dont se gavent les feel-good movies. Imaginez : on atteint le sommet, l'aboutissement du film. Là, devant tout le monde (spectateurs du films compris), le personnage va révéler qu'il est exceptionnel, en chantant une chanson, en faisant un discours, un aveu, un acte de foi... Pendant ce temps, on entend vaguement une tonalité lointaine, qui enfle sans qu'on l'aperçoive, et cette musique s'enrichit de cuivres, de basses, d'une cadence triomphale pour appuyer cet instant glorieux. Forrest Gump (la success story d'un homme simple) abuse de cet artifice. Celui-ci est utilisé à plusieurs reprises dans Radiostars — Alex qui triomphe malgré lui face à la foule, puis Alex sur scène qui réunit tous ses copains — ou dans Starbuck, quand le héros parle à tous ses enfants.

Facilité. Grosses ficelles. Habileté de faiseurs. Apparemment, ça suffit pour conquérir la critique.
Après ils disent : un film "généreux", "irrésistible", "un petit bonheur", un "film qui nous veut du bien"... et ce mot idiot taillé pour la critique ciné : "jubilatoire".

1 commentaire:

  1. tiens tiens, le Nouvel Observateur vient même d'inventer le concept de FEEL-SAD MOVIE, concernant le film "L'écume des jours" :
    http://cinema.nouvelobs.com/articles/25183-critique-avant-premiere-critiques-l-ecume-des-jours-un-blockbuster-surrealiste-un-poil-deconcertant

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