7 août 2015

TOUTE subversion est récupérable par la pub

Ne vous emmerdez plus à chercher une forme de lutte qui soit assez radicale pour échapper aux récupérations commerciales. Le commerce, aidé par les agences de pub pour séduire les consommateurs, récupère toute forme de débats, y compris les arguments pour la décroissance et contre la société du spectacle.

Révolution selon la Générale d'optique
Avec Cdiscount.com, prenez le pouvoir.





On a déjà vu des artistes se compromettre dans la réclame. Zola a joué au chef de pub chez Hachette, plusieurs surréalistes ont fait des réclames d'alcools (et on ne parle pas des Alcools d'Apollinaire...), Mocky a réalisé des pubs pour Taillefine de Gervais, Wim Wenders a vanté les pâtes Barilla, et Antoine (celui des Élucubrations) les opticiens Atoll.

Dans ces situations, un contrat est signé entre une institution commerciale et une personnalité, où chacun joue un rôle au bénéfice de l'autre.


Mais les agences de pub savent aussi jouer de la subversion sans faire appel à ces artistes. Elles ont appris à récupérer les discours, les slogans, les codes vestimentaires et graphiques des mouvements de lutte. En s'affichant comme "rebelles", les annonceurs entretiennent l'illusion du pouvoir, de la liberté, du choix, du progrès, avec autant de malhonnêteté qu'un dealer qui te promet de te soulager et de te rendre heureux. 
En plus du mensonge, il y a un dévoiement des idéaux : ces annonceurs moquent les luttes qu'elles mettent en scène. Ils piétinent ainsi les idéaux de solidarité, de liberté portés par les mouvements syndicaux, associatifs ou communautaires, ou issus de la Révolution française, de la Commune ou des mouvements de résistance. La méthode consiste à évacuer toutes références à l'oppression, au capitalisme, à l'injustice sociale, et à assaisonner les pubs de couleurs acidulées et de beats dansants, puis à mettre la campagne au service du commerçant.
Les slogans "Il est interdit d'interdire", "No future", "Prenez le pouvoir", "Défie les règles" deviennent des arguments de vente — et on sait que du slogan politique au slogan commercial, il n'y a qu'un tout petit pas.

Leclerc a récupéré les codes visuels des affiches de mai 68. On a vu des clips pour des des bagnoles françaises, ou italiennes ou pour des téléphones mobiles, accompagnés des chansons des Clash, des Specials, voire de reprises des Ramones ou de Sid Vicious. Un film pour une banque fait entendre la chanson "Free" de Stevie Wonder. Apple convoque Einstein ou Picasso dans sa campagne "Think different". La banque ING placarde la tronche de Karl Marx défendant l'enseigne. Un jeu à gratter s'adresse aux "camarades" joueurs. Wolkswagen associe son sigle avec celui de l'anarchie. Et Coca-Cola ou Suchard parviennent à faire passer les dictateurs comme Mao et Lénine, comme des figures ringardes et marrantes...


Même les pouvoirs publics conçoit des visuels en détournant l'imagerie des luttes passées.
La comm' débile des pouvoirs publics
la COP21 et son affiche "Pandarévolution
C'est une forme de révisionnisme. On vide de leur contenu des mouvements d'émancipation ou des luttes populaires, puis on les fait passer pour des épisodes ringards, ridicules et au mieux, "sympas".

La récupération de la révolte par la pub est visible tous les jours, télé, affiches, presse, à longueur de journées par tous les modes de communication. Mais cette récupération ne peut se faire qu'à une condition : que les consommateurs soit assez ignorants ou paresseux pour oublier les causes de nos révoltes. Les pubards ont intérêt à cultiver cette ignorance-là. C'est à nous de rappeler l'oppression et la violence sociale qui à chaque fois ont généré la résistance et la subversion.
La justice, la liberté, la solidarité, ce sont des idées, pas des slogans.

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