9 février 2010

"Tolérance", la vertu des tièdes.

La tolérance est un principe vendu aujourd'hui comme une valeur fondatrice. Mais c'est pourtant une posture destructrice. Derrière ce mot, on voudrait évoquer un discours politique très années 80, le touche-pas-à-mon-pote, le métissage, la diversité culturelle et artistique contre la morosité, le sourire contre le FN. Aujourd'hui, n'être "pas tolérant", c'est pas cool : plus encore que l'honnêteté, les institutions exigent la tolérance.

Mais c'est un dogme. La tolérance est surtout l'argument vendeur des chansons à succès, des histoires au cinéma et des stars prêtes-à-consommer. "un magnifique film sur la tolérance" ; "un livre pour apprendre la tolérance à vos enfants", etc.

D'abord, tolérer quelqu'un implique d'être dans une position de domination sur lui. Illustration simple : le préfet peut tolérer qu'une personne immigrée vive, ou non, sur le territoire. Mais cette personne peut-elle tolérer le mode de vie du préfet ? Non, parce que ça ne fonctionne qu'à sens unique. On ne tolère que ceux qu'on juge et qu'on peut innocenter ou condamner.

Et qu'est-ce que la tolérance quand on fait partie des citoyens administrés ? Si on doit tolérer la misère et l'exclusion sociale, les conditions de travail minables, la violence d'Etat, les pratiques religieuses sexistes et liberticides, les violences communautaires, l'abrutissement général des téléspectateurs par les programmes débiles, on pourrait plutôt parler de résignation, non ?

On notera que les dirigeants qui depuis 40 ans prônent la tolérance sont ceux qui attendent de nous qu'on soit bien "flexibles" et qu'on s'adapte à la violence qu'ils imposent sur leurs administrés. Un peuple tolérant est un peuple contrôlable, les flics et les grands médias tiennent leurs places, et tous nous invitent à garder le sourire et à carpe diem, à nous adapter au néolibéralisme. Quelle hypocrisie.
Tolérer le monde tel qu'il, sans rien y faire. Rivaliser de dynamisme et de sourire, mais rester mou, sans opinion, sans prise de risque. Une chose est sûre, ça demande moins d'efforts que de choisir entre : accepter les choses ou les refuser.

Autre chose : actuellement il y a un discours d'extrême-droite qui consiste à défendre la liberté d'expression totale, à dessein d'exprimer la parole raciste, antisémite, homophobe. Rien de nouveau. Déjà dans les années 30, accompagnant la montée du nazisme, la Libre Parole était le nom d'un journal raciste et antisémite en France, qui banalisait la haine. Son fond de commerce : aucune expression, même les appels aux persécutions et aux meurtres, ne devait être illégale. Or le racisme n'est pas une opinion mais un délit.

Pour progresser vers l'autre, il faut de l'acceptation, du respect. Accepter l'autre tel qu'elle est, c'est le faire sans jugement ni sentiment de supériorité. Accepter une nouvelle situation, c'est tenter de trouver les moyens d'y évoluer.

Refusons la tolérance (et encore plus, l'intolérance !)

Voici ce qu'en disait un médiatique prof de philo, Charles Pépin :
"... Comme cet homme raciste : vous tolérez deux de ses blagues mais pas trois. Qu'elle dépende d'un seuil quantitatif prouve que la tolérance n'est pas une valeur en soi. (...) La tolérance est une valeur négative ; le respect, une valeur positive. Respecter la différence, c'est aller vers elle, au risque d'ailleurs de revenir changé. Tolérer l'autre, c'est ne pas aller vers lui alors qu'on voudrait le frapper. Le respect vise le bien, la tolérance le moindre mal."

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