21 novembre 2016

M.I.A. et les images interdites : "Borders"

Vieux débat : peut-on mettre en scène l'horreur ou la misère, utiliser l'image des victimes... pour en faire un produit de la pop culture ?

Fin 2015, la chanteuse M.I.A. a réalisé et publié un clip pour une de ses chansons, "Borders". La chanson ouvre l'album AIM qui est sorti plus tard, en septembre dernier.
"Borders" — appel à la liberté, et à s'unir contre un système de privilèges et de d'exclusion — met en scène des migrations de masse. Des gars qui fuient ensemble, dans le désert, sur l'eau, au travers des barrages... Les images montrent une chose rare dans le monde de la pop : une "chorégraphie de migrants" très stylisée. 
M.I.A, elle, apparaît parfois en premier plan comme un témoin de la scène, et parfois parmi les migrants, avec eux sur les coursives métalliques et sur les jonques, comme si elle les guidait ou les représentait.



Cette mise en scène prête à la polémique, bien sûr (un peu comme pour Duras dans "Hiroshima mon amour", qui est une mise en scène de l'indicible, ou pour Spielberg qui montre la déportation pour la "Liste de Schindler"). C'est bien ou c'est mal de faire ça ? L'horreur est-elle montrable ? Et pis, ça va heurter qui ?
M.I.A. ne se pose pas ces questions-là, mais une autre : comment montrer les migrations sans que ce soit indigne pour les migrants ? La réponse est dans l'évidence du clip. On est ici témoins d'événements fictifs. Les événements réels, eux, échappent à nos yeux et sont ignorés par les caméras de presque tous les médias. De ce point de vue, en mettant de la forme, du visible, là où il n'y a que drame caché, le clip rend justice à ces populations qui affrontent la violence et la mort. 

La voix de M.I.A. se pose sur une électro empreinte de dub et de R&B. Beat implacable, mélodie désabusée, elle nous invite à rejoindre sa cause.

Après tout, ce n'est pas bien différent de ce que faisait Elvis Presley dans le scopitone de ce qui fut un énorme tube, "Jailhouse Rock". Dans cette chanson, Elvis aussi affichait sa sympathie pour les déclassés de la société...


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